L’invisible

Poème publié dans la revue i rouge, Un jour un poète, sur le thème de l’invisible -

N°2 de décembre 2017

L’invisible

 

Un grand soir dans un petit théâtre

dire, traverser la parole

ni début, ni fin.

Suspension de la lumière,

du temps et de l’espace.

Courir les siècles jusqu’à l’approche

du soleil brûlant.

Mémoire enfouie du souffle,

l’exégèse des sens et toutes ces choses

que la poésie révèle.

Lieu de l’écriture, de l’ouverture d’une pensée,

cheminement d’un silence rendu sensible,

étrange, littérale, elle déroule

ce que nos fronts ont su reconnaître.

Le vivant pris dans son sommeil,

ce que le temps a soudain perdu de vue,

hier enterré dans le soleil du matin.

Ces frissons qui passent quand le cœur frétille

dans l’absence.

J’ai armé mon corps de l’impuissance de ce monde

Pour offrir au destin un semblant de vie.

Songe en marge du vécu,

il a fallu parler une langue semblable à l’indicible,

qui dit tout et jamais ne s’efface

pour vaincre les limbes de l’existence.

Un rêve affolé que je porte comme une enfant

fige l’éternité, ces mêmes yeux portés surlignent l’horizon.

Je regagne ce sang sève du langage,

les nuances d’une présence avérée.

J’ai rêvé ce sacrifice pour faire briller l’alliance

à l’aube des multitudes.

La voix épaulée par le désir de vie,

substance vitale dévoilée dans une goutte de pluie.

Le printemps revient en force à nouveau

dans une ultime déraison,

je touche son nom.

L’invisible garant de nos rêves éveillés,

consacre mon esprit

emporté par le miel de l’aube.

Côtoyer le feu par tous les sacrifices,

planter le sort des vivants

à l’ombre des palmiers.

Révéler l’invisible inédit,

l’ombre de nous-mêmes,

ce qui reste d’un sourd somme.

Planteur solitaire des labours

des rues abandonnées

j’ai hanté chaque venelle dans la hantise

de me perdre.

Je me suis réveillée sur un sol sans guerre

baignée de lettres assassines.

Le songe promet d’autres espérances de main à écrire.

Des vents faire pousser des soleils d’avenirs

et les verser dans l’oreille du quotidien.

 

©Jamila Abitar