A Marrakech, derrière la Koutoubia (1)

A Marrakech, derrière la Koutoubia

J’avais oublié ma ville,

la mémoire des sucreries,

des dents cassées,

des bouches sans issues.

J’avais oublié mes frères noyés

sans avoir appris à nager,

près des barques trouées

de mon parcours de jeu.

J’avais oublié ma ville sans terre,

Marrakech, c’est en toi que je revis.

Koutoubia,

ta pierre réveille un peuple,

réveille mon être oublié.

Ma mémoire, vivante, rougit de tes reflets.

J’ai avalé ton sable et j’ai pleuré mes frères.

Et trahie par mes frères, j’ai sursauté,

combien de fois, depuis cent ans !

Lucide comme cette lumière que l’on voit,

cette rencontre entre ces murs

qui embrassent l’intemporel.

Je voudrais retrouver ma ville rouge, sa verdure,

ses champs d’empreintes de sang partagé.

Je voudrais me cacher derrière la Koutoubia

et sentir Jamaa El Fna veiller sur Marrakech.

A mon sommeil défendu, c’est le néant accompli.

Aussi loin que ma mémoire disparaît

le rêve d’un poème réussi.

Aussi loin que mes rêves réussis,

la splendeur d’une vie sans histoires.

Un souffle parmi le souffle,

un être dans le tout être.

©Jamila Abitar

in A Marrakech, derrière la Koutoubia

Editions Alfabarre Paris 2012.