Préface de Hans LIMON

Je ne conçois d’autre poète que celui pour qui les choses n’ont de réalité que cette transparence qui sublimise l’objet aimé et le fait voir non pas tel qu’il est dans sa carapace d’os, de pulpe ou de silence, mais tel qu’il virevolte devant la bille irisée de l’âme, cet œil magique béant au fond de nous. » Ainsi du poète selon l’Usage interne de René-Guy Cadou, qui semble égrener dans sa conception les glorieux ou marginaux représentants d’une tradition séculaire qui remonte aux inspirateurs des premiers rhapsodes et s’achève aux confins d’une modernité qui n’en finit plus de regretter Rimbaud. Jamila Abitar est un maillon de cette chaîne magnétique : amie des éléments, familière du silence et des éloquences des non-dits, prêtresse d’une alchimie verbale sans cesse renouvelée, soumise à la grâce du poème en qui se prolonge et se parfait l’harmonie de toutes choses, elle est proprement voyante, prend la parole comme un jour nouveau, convoque les peuples et les résistances de toutes parts, fait communiquer l’universel enfoui sous les intimités, tresse enfin, de ses fulgurances à réveiller les morts, les poèmes qui sauront ressusciter le soleil à l’horizon des champs de boue citadins.
C’est au terme d’un long chemin d’errance que la vérité, jusque-là ignorée, peut éclater à la vue de tous. Et c’est le privilège du poète, si ce n’est son fardeau, de la faire éclater en beauté.
©Hans LIMON